Le réemploi de matériaux s’impose aujourd’hui comme une solution innovante et incontournable dans certains domaines.
Bien plus qu’un simple choix écologique, le concept répond en réalité à des enjeux contemporains cruciaux : réduire les déchets, économiser les ressources et s’inscrire dans une démarche durable.
Cette approche attire de plus en plus d’acteurs — des entreprises aux particuliers —, tous désireux de minimiser leur empreinte environnementale tout en optimisant leurs coûts. Nous vous dévoilons tout ce qu'il faut savoir sur cette solution globale dans cet article !
Qu'est-ce que le réemploi ?
Selon l’article L541-1-1 du Code de l’environnement, le réemploi se définit comme « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets, sont utilisés de nouveau, et pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. »
Le réemploi des matériaux consiste donc à réutiliser des produits ou des composants dans leur forme initiale, sans les transformer, afin de leur donner une nouvelle vie dans un autre projet ou usage.
Cette pratique permet de réduire les déchets, mais aussi de minimiser la consommation de nouvelles ressources, tout en favorisant une économie circulaire.
Le réemploi, la réutilisation et le recyclage : quelles différences ?
Selon le Centre de Ressources Économie Circulaire de l’ADEME, “le réemploi, la réutilisation et la réparation s’inscrivent dans le cadre de démarches de prévention des déchets et d’une consommation plus responsable.”
Si ces trois concepts gravitent autour du même objectif, ils diffèrent cependant sur plusieurs points.
Le réemploi implique donc que les matériaux soient à nouveau utilisés tels quels, dans leur forme brute, sans modification majeure.
Des briques récupérées sur un chantier de démolition peuvent par exemple être directement réutilisées pour construire un nouveau mur ; ou bien des tuiles usagées d’un toit reposées sur un autre toit.
La réutilisation, elle, implique une opération en deux temps, le propriétaire de l’élément le destinant d’abord à devenir un déchet. Le matériau subit ensuite ce que le Code de l’Environnement qualifie de « préparation en vue de la réutilisation », soit un traitement pour le transformer, nettoyer ou réparer, afin de lui faire gagner un nouveau statut de produit pour un autre usage.
Les portes en bois d’un chantier peuvent ainsi être retravaillées pour créer des planches qui serviront à la construction. Elles changent d'usage, mais ne sont pas jetées : elles trouvent une seconde fonction après une légère adaptation.
Enfin, le recyclage désigne un processus industriel, plus ou moins lourd, qui transforme les matériaux usagés en nouveaux produits.
Contrairement aux deux premières options, il nécessite davantage d'énergie et de ressources, car il implique une transformation chimique ou physique des matériaux, comme dans le cas de la fonte de métal ou de plastique.
Le matériau, ici revenu à l’état de substance ou de matière, retrouve un nouvel usage lors du recyclage des déchets : il est souvent détourné de sa fonction initiale, quand il ne passe pas dans un domaine industriel totalement différent.
Bon à savoir : il existe également des opérations qui ne peuvent être qualifiées de recyclage de déchets, comme l’enfouissement, le remblaiement, ou encore la valorisation énergétique qui convertit le déchet en combustible. L’élimination reste le processus à utiliser en tout dernier recours, puisqu’elle consiste à stocker ou incinérer le déchet, en renonçant à toute valorisation de l’élément.
Quels sont les avantages du réemploi de matériaux ?
Le réemploi des matériaux présente de nombreux avantages, tant pour l’environnement que pour les entreprises et les particuliers.
1. Diminution des déchets
Dans un contexte où la gestion des déchets représente un défi majeur pour les collectivités et les entreprises, le réemploi permet de diminuer la pression sur les systèmes de traitement des ordures.
En évitant de jeter des matériaux encore utilisables, chacun participe à une économie circulaire, où les objets trouvent une nouvelle utilité au lieu d’être éliminés, et où la vie des produits se trouve prolongée.
2. Baisse de la consommation d’énergie
En réutilisant des matériaux déjà existants, on évite également la production de nouveaux produits, qui se révèle souvent énergivore. La fabrication de ciment ou d’acier nécessite par exemple des quantités massives d’énergie, généralement produite à partir de combustibles fossiles.
En contournant ces étapes de production, le réemploi permet de réduire l'impact carbone globale des projets de construction ou de rénovation.
3. Réduction des coûts
Le réemploi représente aussi un levier économique important.
Les matériaux récupérés coûtent en effet majoritairement moins cher que des matériaux neufs ; certaines plateformes et réseaux permettent même d'en obtenir gratuitement.
Pour les entreprises de construction, cela se traduit par des économies significatives, surtout dans le cas de vastes chantiers ou de grands projets. D'autre part, en adoptant cette approche durable, les organisations améliorent leur image de marque, renforcent leur position sur le marché et attirent de nouveaux clients sensibles aux enjeux environnementaux.
4. Conformité aux réglementations environnementales
Le réemploi des matériaux aide enfin les entreprises à se conformer aux exigences en matière de réduction des déchets, de gestion des ressources et de limitation des émissions de carbone, qui sont en perpétuelle évolution.
La loi REEN et la loi AGEC intègrent notamment des mesures visant à valoriser le réemploi, notamment au sein du secteur numérique, comme l’explique la solution E-Dechet d’Ecologic, dans un contexte de lutte contre l’obsolescence programmée.
Les principaux acteurs du réemploi et de la réutilisation
Bien que le réemploi des matériaux ait déjà été adopté par certaines personnes ou structures, il n’est pas encore généralisé.
Ceux qui l’ont intégré jouent cependant un rôle clé en démontrant les avantages de cette approche durable et innovante, incitant ainsi d’autres professionnels à suivre leur exemple.
Entreprises de construction et de démolition
Selon la plateforme spécialisée CycleUp, “le BTP produit à lui seul 240 millions de tonnes de déchets annuels, d’après l’Agence de la Transition Écologique (ADEME chiffres clés 2020), soit 70% de la production totale de déchets en France, selon le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD). Or, plus de la moitié d’entre eux ne font l’objet d’aucun traitement après avoir été jetés : les matériaux ne sont ni recyclés, ni réutilisés, ni réemployés. Ils sont enfouis ou incinérés.”
Les entreprises de construction et de démolition sont aujourd’hui en première ligne pour identifier les opportunités de réemploi.
Lorsqu'un bâtiment est démoli, il présente souvent de nombreuses matières premières encore en bon état : poutres en bois, briques, fenêtres, portes, etc. Plutôt que de les envoyer à la décharge, ces structures peuvent les trier, les stocker et les revendre pour de futurs projets.
Selon CycleUp, un diagnostic ressource se révèle tout d’abord essentiel pour “répertorier les composants d’un bâtiment sur les chantiers de déconstruction ou de rénovation, ou plus rarement faire usage des surplus de commande d’un chantier de construction ou de fin de stock d’un fabricant.”
Le réemploi se décompose ensuite trois modalités opérationnelles :
- in situ pour un réemploi sur le même projet
- ex situ pour sa remise en œuvre sur un autre chantier
- via l’approvisionnement extérieur pour intégrer un matériau issu d’un gisement externe.
Le secteur de la construction représente donc un domaine à fort potentiel pour l'adoption du réemploi, notamment en raison de la quantité massive de matériaux qu'il manipule quotidiennement.
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) souligne d’ailleurs le fait que les matériaux d’un bâtiment produisent 56% de son impact carbone sur sa durée de vie complète.
Bon à savoir : la carte suivante recense l'ensemble des structures à connaître sur le territoire français.
Architectes et designers
Dans la catégorie des acteurs partenaires, les architectes et les designers sont également de plus en plus nombreux à intégrer des matériaux de réemploi dans leurs projets, non seulement pour des raisons écologiques, mais aussi pour apporter une touche unique à leurs créations.
Le recours à des matériaux anciens ou réutilisés permet de donner du caractère à un bâtiment ou à un objet, tout en réduisant l’impact environnemental du projet.
De plus, ces professionnels innovent souvent dans la manière dont ils adaptent ces matériaux à des usages modernes, créant ainsi des conceptions à la fois esthétiques et durables.
Plateformes numériques et marchés de seconde main
Le développement de plateformes numériques dédiées au réemploi a par ailleurs grandement facilité l'accès aux matériaux récupérés. En voici quelques exemples :
- Backacia : le fonctionnement de cette marketplace est simple. Si vous travaillez dans le secteur du bâtiment, il vous suffit de prendre en photo vos surplus de commandes ou vos matériaux destinés à la benne ; de choisir votre créneau d’enlèvement ; et de leur donner une seconde vie en quelques clics !
- La Réserve des Arts : cette association accompagne les professionnels du secteur de la culture dans l'appropriation des pratiques de l'économie circulaire et le réemploi de matériaux. La vente se fait à prix solidaire.
- Recupe.net : cette plateforme s’adresse aux particuliers qui souhaitent se débarrasser de matériaux, sur un système de petites annonces, avec d’autres qui cherchent à en acheter ou à en obtenir gratuitement
Les marchés de seconde main, qu'ils soient physiques ou en ligne, jouent aussi un rôle clé, en permettant aux consommateurs d'accéder à une large gamme de biens d' occasion et de matériaux à des prix compétitifs.
Toutes ces nouvelles solutions favorisent une bonne pratique du réemploi, grâce à un large réseau d' acteurs engagés.
De manière générale, les particuliers ont enfin leur rôle à jouer dans le réemploi de matériaux. Le programme Les Joyeux Recycleurs liste ainsi différentes options pour le quotidien, parmi lesquelles on retrouve la réutilisation d’emballages, l’upcycling, l’échange, le don, la location de vêtements, etc.
FAQ - Le réemploi
Quelle est la différence entre réemploi et réutilisation ?
Le réemploi consiste à donner une nouvelle vie à un matériau ou un objet sans modification. Selon CycleUp, il s’agit de “l’opération la plus vertueuse du cycle de vie d’un élément (objet ou matériau). Un léger nettoyage ou une simple révision permet de le réemployer en l’état, pour un usage similaire à son utilisation initiale.” Par exemple, une fenêtre récupérée d'une maison ancienne peut être installée telle quelle dans un autre bâtiment.
La réutilisation, quant à elle, peut nécessiter une légère adaptation ou modification de l'objet. Par exemple, une palette de bois initialement employée pour le transport de marchandises peut être réutilisée pour fabriquer des meubles.
S’ils peuvent être confondus dans le langage courant, les deux termes se distinguent dans la réglementation française par le passage, ou non, du bien en fin de vie par le statut de déchet.
Ainsi, les activités de réemploi concernent les biens avant le passage au statut de déchet, et vise un usage identique ; quand la réutilisation intervient après le statut de déchet et nécessite un travail de remise en état des biens, souvent pour un usage différent.
Pourquoi faire du réemploi ?
La mise en oeuvre du réemploi présente plusieurs avantages majeurs : il réduit les déchets, favorise l'économie des ressources et aide à préserver l'environnement. Il permet aussi de réaliser des économies financières, tout en contribuant à l’innovation dans la conception architecturale et industrielle.
De plus, il s'inscrit dans une logique d'économie circulaire, où chaque matériau est valorisé au maximum avant d'être considéré comme un déchet. Celle-ci représente une opportunité sociale majeure, en créant des emplois non délocalisables, et en favorisant l’insertion de travailleurs de tous niveaux de qualification.
Bon à savoir : de nombreuses entreprises certifiées B-Corp, engagées pour un impact social et environnemental positif, adoptent cette pratique pour allier durabilité et créativité dans leurs processus de production.
Où récupérer des matériaux gratuitement ?
Il existe plusieurs moyens de se procurer des matériaux de construction gratuitement ou à moindre coût.
Les plateformes numériques spécialisées dans le réemploi, comme Recupe.net ou Backacia, sont une bonne porte d’entrée. Les chantiers de démolition peuvent également offrir des matériaux récupérables gratuitement ou à très bas prix, à condition de se renseigner au préalable sur les modalités. Enfin, les marchés de seconde main ou les ressourceries sont des endroits où il est possible de trouver des produits d'occasion et divers matériaux, comme du bois, des briques, des fenêtres, etc.
Le réemploi des matériaux incarne donc une approche prometteuse qui permet de répondre aux défis environnementaux actuels, tout en offrant des avantages économiques et créatifs.
En prolongeant la vie des produits, la pratique contribue à la préservation des ressources naturelles, tout en réduisant notre empreinte carbone sur les territoires. Elle stimule aussi l'innovation en encourageant la recherche de nouvelles solutions durables dans la conception et la construction.
En collaborant avec des acteurs locaux, le réemploi renforce enfin l'économie circulaire et les circuits courts, participant à une transformation saine et positive des industries.
Visuel de couverture : photo de Lluvia Morales sur Unsplash.