Aujourd’hui, The Good Fab part à la rencontre de Claire Bretton.
Une self-made woman qui a lancé l’année dernière la société Underdog, avec ses deux associées Laura Chavigny et Léa de Fierkowsky. Tout comme elle, des anciennes de Veepee.
Trois femmes qui ont décidé de mettre les mains dans le cambouis, et de s’attaquer au marché du gros électroménager reconditionné.
Claire nous accueille dans son espace hybride “cowork-entrepôt”, pensé ainsi pour rester proche des techniciens et s’inclure dans le quotidien de ceux qui font le modèle d’Underdog.
Dans cette interview, elle nous parle d'électroménager reconditionné (ça alors !), de son histoire, de sa vision, et du collectif Underdog, qui œuvre à une consommation plus responsable.
Claire, bonjour, peux-tu nous raconter ton histoire ?
Tout commence dans un village près du Beaujolais. Je viens d’une famille d’agriculteurs. J'ai quitté la région pour faire une prépa commerce puis une école de commerce à Paris (ESCP).
J’ai commencé ma carrière par 4 ans de conseil en stratégie chez Advancy. Un cabinet avec un fort esprit entrepreneurial.
En 2016, je suis partie pour co-créer Daco, une startup qui proposait des solutions de scraping* et d’intelligence artificielle. J'ai revendu Daco à Veepee (ex Ventes Privées) en 2018. Je suis restée 4 ans au sein de Veepee, les deux premières années à la tête du pricing avant de faire une pause pour suivre un executive program à Cambridge sur l’économie circulaire. .
A ce moment-là, Jacques-Antoine Granjon (co-fondateur de Veepee) voulait lancer “Re-cycle”, et proposer de la seconde main chez Veepee. J’ai pris ce projet-là avec lui et je l’ai lancé. Sourcer des vêtements auprès de nos membres, les traiter en entrepôt, les sélectionner, les réceptionner, les laver, les sécher, les shooter pour les fiches techniques et les vendre en ligne sur Veepee.
Beaucoup de challenges opérationnels.
En 2022 j’ai quitté Veepee pour monter Underdog, une entreprise qui vend de l’électroménager reconditionné.
Underdog, ça veut dire quoi ?
Underdog c’est un synonyme de “challenger” en anglais. Ça veut surtout dire (dans le sport) : le petit qui arrive et que tu espères voir gagner.
Donc Underdog est arrivé dans ta vie comme un déclic ou est-ce l’accumulation de toutes ces expériences qui t’amène vers ce nouveau projet ?
En créant Re-cycle, j’ai rencontré beaucoup d’acteurs de l’économie circulaire. En me penchant sur le marché du gros électroménager, j’ai réalisé que c’était un marché très en retard en matière de reconditionnement.
Aujourd’hui, le reconditionnement est en train de changer la manière dont on consomme. On l’a vu sur les smartphones, mais très peu sur des secteurs avec des “gros produits”.
Seulement 3% du gros électroménager est reconditionné, contre 15% pour les smartphones ! J’ai pris conscience du gâchis écologique car 25 millions d’appareils électroménagers sont jetés chaque année en France.
Partant de ce constat-là, j’en ai parlé à Laura et Léa : elles étaient partantes pour rejoindre une aventure comme ça. Ce sont devenues mes associées.
Tu es le moteur du projet ?
Plutôt l’initiatrice :)
Et si Underdog n’avait pas vu le jour, est-ce que tu aurais eu un autre projet ?
Pas du tout !
Je ne me suis pas dit : “je pars de Veepee et je cherche mon projet”.
Ces 25 millions de produits électroménagers jetés chaque année ont été le déclencheur pour moi. En créant Re-cycle, j’ai beaucoup appris sur l’économie circulaire : l’exigence des process, l’importance du sourcing, … Je pouvais maintenant faire levier sur ces connaissances pour attaquer un nouveau marché.
Tu parlais de l’évolution des choses. Est-ce que tu as la sensation que les lignes et les à priori sont en train de bouger ou il y a encore un gros travail à faire dans le monde de la seconde main / seconde vie ?
Il y a un gros travail à faire, un gros travail !
C’est en train de bouger mais on ne va pas se mentir, la majorité de nos clients viennent sur notre site pour le prix, parce que c’est moins cher que du neuf (et j’imagine que c’est pareil sur Back Market et Vinted).
Ensuite, quand ils voient que c’est reconditionné, c’est un peu “cherry on the cake”. Très peu de gens viennent spontanément pour l’aspect écologique.
Quels sont les enjeux de ton quotidien? Voudrais-tu inverser cette tendance et que le driver des clients Underdog ne soit pas le prix, mais l’approche écologique ?
Honnêtement, aujourd'hui, ce qui compte ce n’est pas tant pourquoi les clients viennent. Je veux juste qu’ils viennent ! Et qu’ils consomment du reconditionné, à la place du neuf.
Que les gens viennent pour le prix, vu le contexte et la pression sur le pouvoir d'achat, ce n’est pas une surprise et c’est bien normal.
Mon challenge, ce sont les 3 briques de notre business :
- Collecter un maximum de produits défectueux (lave-vaisselles, lave-linges, sèche-linges, réfrigérateurs).
- Réparer de manière efficace en trouvant un modèle économique qui fonctionne
- Développer une marque et un site web attrayant pour revendre.
Underdog a des concurrents directs ?
Sur le gros électroménager, le marché est moins développé que dans d’autres secteurs. Le plus gros reconditionneur est historiquement le réseau Envie, qui, en plus de reconditionner des appareils électroménagers, fait de l’insertion. De nouveaux acteurs émergent : Darty, Boulanger, Murfy, … sans pour autant avoir un business qui est 100% dédié au reconditionnement.
Aujourd’hui, nos concurrents dédient une partie de leur activité au reconditionnement. Il n’existe pas (encore) un gros acteur privé qui se dédie à 100% au reconditionnement.
Les gros acteurs d’électroménager classique sont dans une approche plutôt “poussiéreuse” ou moderne face au #RemadeinFrance ? Comment tirent-ils leur épingle du jeu ? Franchissent-ils le cap ?
Je pense qu’ils ont compris l’importance du sujet et qu’ils ont envie de pousser le reconditionné, en reconditionnant eux-mêmes, ou pas.
Les gros distributeurs d’électroménager ont bien compris les enjeux, mais par définition, ils ont malheureusement moins d’agilité que les start-ups.
Quels sont tes conseils (ou tes secrets !) pour t’entourer d’une équipe performante et consciente de l’engagement d’Underdog ?
Alors : pour être totalement honnête, je n’aime pas le recrutement parce que tu as plus de chances de te planter que de réussir. Mais je touche du bois !
On y a consacré beaucoup de temps chez Underdog. Aujourd’hui, on a une super équipe, très soudée et en phase avec ce qu’on veut faire. On a passé beaucoup de temps sur notre façon de recruter. Il y a aussi une très bonne ambiance entre le bureau et l’atelier.
Les équipes sont formées de A à Z ?
Nos techniciens sont des experts du gros électroménager. Ils ont la compétence technique. A côté, nous avons des opérateurs que nous avons formés aux processus de reconditionnement : nettoyage des machines, prise de photos, expédition …
Vous êtes combien, aujourd’hui ?
Nous sommes 15 !
De quelle réalisation es-tu la plus fière depuis le lancement d’Underdog ?
Excellente question ! Franchement, je pense que c’est l'équipe ! Très “froidement” en termes de performances je pense qu’on a une excellente équipe. Et, dans la construction d’un “clan”. La notion de clan pour moi elle est hyper importante et je pense qu’on est en train d’en construire un. C’est vraiment très chouette.
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Tu es maman, et engagée pour une consommation plus responsable pour un avenir (encore) meilleur. Que fais-tu passer comme message à tes enfants sur la conscience écologique ?
Je ne leur dis pas grand-chose. Ils connaissent mon métier, ils savent ce que je fais.
C’est plus par mes actions et mes comportements au quotidien que j’essaie de leur inculquer une conscience écologique. Ça passe souvent par des choses très basiques : trier ses déchets, acheter en seconde main, avoir un compost …
Ton plus grand rêve pour Underdog ?
Je veux qu’on devienne une évidence pour les français.
J’aimerais qu’on devienne une évidence et que les consommateurs se disent que c’est incontournable de consommer chez nous. Que c’est évident parce qu’on a développé un modèle industriel qui fonctionne, qui est réplicable…et que tu ne te poses même plus la question d’acheter du neuf.
Tu aurais 2-3 savoirs inutiles à nous partager (mais qui pourraient nous être utiles) pour éclairer le consommateur “lambda”, et que s’installe en lui le réflexe du reconditionné ?
Les 25 millions d’appareils électroménagers dont on parlait tout à l’heure. Pour que ce soit plus parlant, ce sont 48 appareils jetés chaque minute en France. C’est beaucoup !
Dernièrement, une chose m’a frappé dans l’entrepôt : un de nos techniciens devait identifier une panne sur une machine à laver. Une machine à laver pèse en moyenne 60kg. En 15 minutes, le technicien s’est rendu compte que la panne venait d’un composant qui mesure 1 cm et pèse 10 grammes ! Il l’a commandée et l’a réparée.
Cette machine-là de 60kg aurait été jetée pour 10g, et un composant racheté 1€.
Évidemment, ce n’est pas le cas à chaque fois, et il y a du temps humain derrière, mais toutes ces machines ne devraient plus être considérées comme du déchet. Chaque machine devrait être testée pour voir elle est réparable.
Est-ce qu’il y a d’autres initiatives qui te parlent ou que tu voudrais mettre en avant ?
Je vais vous parler de deux supers projets !
Le premier c’est Upway qui reconditionne des vélos électriques. Le modèle est le même que nous : des entrepôts, et des techniciens. Ils allient attractivité prix et qualité : j'ai acheté mon vélo sur leur site !
Le second c'est Yacon and Co qui cultive du yacon pour proposer une alternative au sucre. L’équipe est géniale et leurs produits délicieux, vous devriez essayer !
On aurait encore des dizaines de questions à poser à Claire, mais l’interview touche à sa fin.
On sent au moment où l’on discute avec elle qu’elle pense déjà à son prochain projet en interne ! En attendant, c’était très enrichissant de découvrir les coulisses d’Underdog, et de rapprocher ses valeurs des nôtres chez The Good Fab : consommer et faire consommer mieux.
Jetez un œil, ça vaut franchement le détour !
*scraping : le processus d'extraction de données d'un site web.
